Indignité/Indignation

Mustapha Labraimi 2Scotchez votre bouche. Ne vous permettez aucun commentaire. Encore moins de formuler une pensée. Ne vous défendez pas. Ne soyez pas pédagogue. Pourquoi expliquez ce que vous faites ? Un éclaircissement, une précision; pourquoi faire ? Dans le cas où vous vous ne soumettez pas à ce diktat, eh bien on ira se plaindre. Vous plaindre! Où ? Au ministère de l’Intérieur.

C’est la nouvelle conception du débat politique que certains semblent non seulement préconiser, mais pratiquer sans vergogne. Comment vouloir empêcher un parti politique de s’exprimer? Cela doit avoir un nom qui ne peut être Libération ou démocratie et encore moins liberté. Il faudrait chercher dans des pratiques dépassées à l’universel et au local pour qualifier ce comportement.

Cela ravive des souvenirs sombres où «dame censure» se permettait de bâillonner celles et ceux qui luttaient pour la dignité et les droits de la personne humaine. La vérité, tout d’abord; disait l’autre. Se taire par obligation, lui répondent actuellement les maîtres des temples de l’opposition.

Sous quels cieux sommes-nous ? De mémoire de militant, même du temps des années de plomb, on ne faisait pas état de ce déni. Empêcher l’autre de s’exprimer, et pire que l’idée en elle-même, se plaindre de l’usage de la liberté d’expression reconnue par la constitution auprès du ministère de l’Intérieur. Que ne lui-a-ton pas suggérer de faire taire les membres de la Chambre des Représentants ou ceux et celles de la Chambre des Conseillers ? Pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin jusqu’à demander l’état d’exception si l’usage de la liberté d’expression reconnue et pratiquée toujours avec force leur porte de l’ombre. Dans le même ordre d’idées, il leur est loisible de présenter un projet de loi pour juguler l’information, faire obstacle au débat, organiser la censure, et imposer la pensée unique; celle qui leur convient pour qu’ils se sentent véritablement en position, pardon en opposition avec les attentes du peuple marocain.

Le socialisme, le patriotisme et le modernisme sont loin de tout cela. D’autres «ismes» immondes, bruns et totalitaires, ont usé de cette négation de la liberté pour conduire leurs peuples à la guerre, à la dictature, à la défaite et à la honte.

Que veulent prouver ceux qui se plaignent au ministère de l’Intérieur des déclarations d’autres leaders ou responsables politiques ? Qu’ils sont capables d’ouvrir des crises pour retarder tel processus ou tel autre ? Qu’ils sont devenus les gardiens du temple de l’immobilisme, du non droit et de l’arbitraire ? Qu’ils sont devenus allergiques au débat démocratique sur les affaires générales du pays ? Qu’ils estiment que l’ordre public est menacé par la clameur de la vérité ? Que le ministère de l’Intérieur est le garant des droits de l’opposition ? Que l’écoute du ministère de l’Intérieur est plus fine que celle des Marocaines et des Marocains ?

Ane, où es-tu ? Toi, vénérable équidé qui a usé de sa liberté de manifester pour exprimer ta solidarité avec ceux qui t’accompagnaient en plein cœur de la capitale. Bourricot! Que peux-tu attendre de ceux là mêmes qui t’ont conduit à cette mascarade et qui se plaignent auprès de la police de ton braiment courageux pour crier «Basta!».

Faut-il le rappeler, n’est pas aveugle celui qui ne voit pas, mais est aveugle celui qui nie la réalité et qui ne se respecte plus lui même. Les libertés d’opinion, d’expression, et de réunion, garanties par la constitution dans son article 10, ne veulent aucunement dire que seule l’opposition en bénéficie pour «s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique». Il en va de même pour les partis politiques de la majorité et n’en déplaise à ceux qui se lamentent auprès du ministère de l’Intérieur, la liberté d’expression est garantie par la constitution aux Marocaines et aux Marocains individuellement (article 25).

Que l’on nous entende, le Parti du Progrès et du Socialisme usera de son droit légitime à faire état publiquement de ses opinions et de ses analyses comme il l’a toujours fait et assumé, dans l’indépendance et le respect de l’intérêt supérieur de la Nation. Notre peuple en est juge et non pas le ministère de l’Intérieur dont l’organisation et les attributions sont déterminées par les décrets et les arrêtés parus au Bulletin Officiel. (Décret n° 2.79.176 du 19 Décembre 1997- BO n° 4558) Décret n° 2-04-750 du 27 décembre 2004 (BO n° 5280 du 6 Janvier 2006) Voir version arabe (Décret n° 2.08.159 du 16 Janvier 2009- BO n° 4558) Voir version arabe (Arrêté n° 292-09 du 17 Janvier 2009 – BO n° 5713) Voir version arabe (Arrêté n° 1229-09 du 13 Mai 2009 – BO n° 5746).

Écrit par Mustapha Labraimi