Intelligibilité des lois : un levier d’attractivité des investissements étrangers.

Par Sebbata Hicham

Par Sebbata Hicham
Juriste, Recherche en droit à l’université Mohammed V.

L’attractivité d’un marché national repose sur un ensemble varié de critères, incluant des facteurs économiques, politiques, sociaux, technologiques, juridiques, etc. Cependant, s’il fallait retenir un seul élément, ce serait un régime juridique attractif. Cela étant dit, cette idée repose encore sur une vision généralisée, et il est possible de dresser une liste interminable des caractéristiques d’un régime idéal. Cependant, pour gagner en précision, la réponse peut se résumer en un mot : l’intelligibilité des lois. Le régime juridique marocain présente un potentiel considérable dans l’élaboration de lois claires et accessibles, malgré la persistance d’entraves à son plein développement.

L’attractivité d’un pays en matière d’investissements étrangers est souvent évaluée à partir d’une série de souhaits exprimés par les investisseurs. Parmi ces critères, on trouve généralement la stabilité politique, des infrastructures solides, une économie ouverte et une politique fiscale durable. En parallèle, une liste noire d’éléments indésirables est également identifiée, incluant la corruption, la concurrence déloyale et la fragilité institutionnelle. Cependant, bien que ces critères soient déterminants dans l’évaluation de l’attractivité d’un pays, cette approche globale manque souvent de pragmatisme. En se concentrant uniquement sur ces aspects, on risque d’éparpiller les efforts, qui deviennent alors peu efficaces. En réalité, les éléments mentionnés ne sont que des symptômes d’un développement national global. Vouloir imposer ces critères à un pays en voie de développement revient à demander à celui qui pose les fondations de sa maison de commencer par le plafond.

Selon la littérature spécialisée, le cadre juridique joue un rôle central dans le développement de l’investissement étranger. Toutefois, pour qu’un marché national atteigne son plein potentiel en termes d’attractivité, il est crucial de cibler des réformes précises afin de corriger les dysfonctionnements. Sans cette approche spécifique, nous risquons de nous limiter à des recommandations vastes et souvent peu utiles. La question qui se pose dès lors est la suivante : quels sont les éléments juridiques essentiels pour améliorer l’attractivité du marché économique marocain ?

L’insécurité juridique, une préoccupation pour les investisseurs étrangers.

Les systèmes juridiques des pays en voie de développement peuvent parfois créer une insécurité juridique lors de la création, de l’interprétation et de l’application des textes juridiques. Lorsque ces systèmes échouent à fournir des informations claires et crédibles, des réformes deviennent nécessaires pour garantir une sécurité juridique aux investisseurs étrangers. La crédibilité d’un gouvernement, la prévisibilité des règles qu’il instaure et la constance dans leur application sont tout aussi importantes que le contenu de ces lois. La sécurité juridique assure non seulement la protection des droits individuels et la primauté de la loi, mais exige également que les législateurs créent des normes intelligibles, rationnelles et prévisibles. Ce principe permet aux acteurs économiques de jouir d’une liberté dans leurs transactions tout en opérant dans un cadre juridique stable.

En revanche, un cadre juridique inefficace peut entraîner des coûts de transaction plus élevés en ne fournissant pas de mécanismes de protection des droits à moindre coût. Par exemple, les litiges transfrontaliers peuvent devenir plus complexes et coûteux si les lois de l’État hôte sont ambiguës ou si les tribunaux manquent de moyens pour traiter efficacement ces affaires. Ainsi, la réduction des coûts transactionnels, particulièrement dans les opérations économiques internationales, est facilitée par des lois modernes et de qualité, ainsi que par des tribunaux bien équipés et dotés de personnel qualifié.

Le marché économique marocain : une attractivité en expansion.

Le Maroc a entrepris plusieurs réformes visant à améliorer son marché économique et à renforcer son attractivité pour les investisseurs étrangers. La Charte de l’investissement, introduite par la loi n° 03-22, s’inscrit dans cette dynamique en établissant les fondements d’un cadre juridique clair pour les investissements. Cette loi repose sur des principes essentiels tels que la liberté d’entreprendre, la libre concurrence, la transparence, l’égalité de traitement des investisseurs, la bonne gouvernance et la sécurité juridique. Parmi les garanties offertes aux investisseurs figurent un régime de convertibilité flexible des devises, ainsi que la protection de la propriété intellectuelle et des données personnelles. De plus, le Maroc a conclu de nombreux traités bilatéraux avec des pays industrialisés, tout en étant signataire de conventions multilatérales en matière de fiscalité, de libre-échange et de protection des investissements.

Cependant, malgré ces avancées législatives indéniables, certains défis demeurent pour que la réalité sur le terrain soit pleinement alignée avec les prescriptions légales. Des efforts supplémentaires peuvent être envisagés afin d’accélérer la simplification des procédures administratives, de renforcer les mécanismes de transparence et de prévisibilité dans les processus décisionnels de l’État, d’améliorer la cohérence des lois et de garantir une meilleure application des textes grâce à un personnel mieux formé. Cela dit, il est important de souligner les progrès remarquables qui ont été réalisés, notamment en matière d’indépendance du pouvoir judiciaire, un élément clé pour garantir un environnement juridique attractif et sain. En outre, les actions de numérisation visant à améliorer l’efficacité des services administratifs et judiciaires pourraient considérablement renforcer l’accessibilité des investisseurs étrangers.

En conclusion, le marché économique marocain bénéficie déjà d’une base solide en matière de certitude et d’efficacité des lois. Pour renforcer davantage cette attractivité, il est essentiel de continuer à améliorer la stabilité, l’accessibilité et la clarté des textes juridiques. Cela implique également de poursuivre la clarification des processus décisionnels de l’État pour accroître encore la transparence, ainsi que de maintenir une lutte soutenue contre la corruption, même résiduelle. L’intégration de nouvelles technologies dans le système judiciaire, déjà en cours, pourrait également continuer à jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la sécurité juridique et de l’efficacité des transactions économiques. Enfin, garantir l’indépendance effective du pouvoir judiciaire, déjà bien engagée, reste fondamental pour attirer davantage d’investisseurs étrangers et renforcer la compétitivité du Maroc sur la scène internationale.