Colloque autour du personnel de santé Pr El Houssaine Louardi crache le mot !
Par Saoudi El Amalki

Au cours d’une conférence consacrée au déficit du système sanitaire et à laquelle ont pris part une pléiade d’experts et une assistance avertie, particulièrement de la diaspora, Pr El Houssaine Louardi est intervenu sur la problématique de la pénurie des professionnels de la santé. En effet, notre pays souffre énormément de l’indigence qualitative et qualitative du capital humain, dit-il d’emblée, tout en soulignant que le Maroc est, selon l’OMS, parmi les 57 nations au monde qui connaissent une carence aiguë en matière de resources humaines.Déjà en 2020, notre pays, poursuit l’intervenant, manquait de près de 37 000 médecins et plus de 64 000 infirmiers pour conclure qu’on est toujours loin des moyennes préconisées par l’instance universelle de santé.
Les causes de ce déficit chronique ne sont plus un secret pour personne. Pr Louardi en a cité en fait, quelques-unes, tout d’abord un gros déficit en termes de capacité de formation, puisque les enseignants sont de plus en plus raréfiés et les terrains de stages sont également réduits et s’ils existent il y a toujours une inadéquation entre le nombre des apprenants et celui des capacités de formation, ce qui fait défaut à la qualité des apprentissages par ce débordement criant, tout en sachant que la médecine c’est au fait, 90% de pratique et non pas la théorie. D’autre part, les médecins sont de progressivement démotivés, démissionnaires et pensent à aller voir ailleurs, pas toujours pour des raisons pécuniaires, mais on ne tient pas compte de leurs propositions et de leurs idées. On leur confie des missions de l’exécution et non pas d’innovation et préfèrent quitter, car on a une flagrante insuffisance de recherche scientifique en la matière. C’est aussi un problème de gouvernance qui démobilise les cadres, à titre d’exemple, quand on est nommé dans un poste au CHU, on l’est pratiquement à vie. Au lieu d’encourager cet esprit d’émulation, on persiste à garder le même traitement pour un personnel qui aspire à la promotion selon les aptitudes et les compétences. On constate alors un exode massif du personnel de santé, près de 30% de médecins formés dans le pays, exercent en dehors du pays et cela concerne aussi bien les médecins généralistes, spécialistes et même les étudiants. Comme explique le conférencier, l’exode n’est pas qu’externe mais aussi interne, puisque les médecins préfèrent pratiquer dans le privé et quitter le rural pour s’installer dans les villes. Cet état de fait, tend à dire qu’on vit l’absence de politique volontariste et agressive afin de récupérer les flots de corps médical et infirmier « évadés » à l’étranger et s’ils le font, c’est pour des raisons de regroupement familial, généralement. Enfin, l’orateur déplore que plus de 70% du personnel de santé sont installés au pôle Casablanca/Rabat. La nation souffre donc d’une mauvaise répartition des ressources sur l’ensemble du territoire du royaume. Tous ces déficits, enchaîne Pr Louardi, engendre un réel dysfonctionnement du système de santé dans le au niveau des compétences médicales, génère une grosse perte financière si on sait que plus de 14 000 médecins formés au Maroc, exercent en dehors, alors que l’Etat dépense un million de dirhams pour les années d’étude, au profit d’un étudiant, cela fait au total, 14 milliards de dirhams pour que ces médecins quittent le pays en fin de compte.
Enfin, conclut Pr Louardi, au vu de ces déficits, on ne peut guère prétendre la refonte du système de santé dans la globalité, ce qui incite à remédier à cette situation, en déphasage avec les ambitions escomptées et les slogans brandis. En premier lieu, il y a une urgence accrue d’augmenter le recrutement de médecins, en formant davantage, en procédant à une séparation nette entre activités de soins et activités administratives et techniques, car on peut compter un millier de médecins qui ont des boulots autres que ceux pour lesquels ils sont formés, en regroupant sans exclusion les branches public/privé/militaire, en récupérant les médecins retraités soit plus de 30% qui ne sont pas utilisés. Pr Louardi conclut pour dire que l’élément humain est un déterminant clé pour la refonte du système de santé et Sa Majesté en fait le cheval de bataille du pays pour la qualité et la valorisation du personnel de santé… C’est là une pertinente et lumineuse intervention donnée par un ancien ministre fort aguerri des méandres de la profession, lors du colloque à Rabat sur le thème « Innovation et Capital Humain en Santé ».