À bâtons rompus avec Nabil Benabdallah en leader de l’opposition.
Entretien avec Médias24.

Lors de cette période préélectorale des législatives de 2026, le secrétaire général du PPS fait un tour d’horizon général de l’actualité politique. Extrêmement critique de l’action gouvernementale, Nabil Benabdallah estime que si son parti arrivait à mobiliser un seul million d’abstentionnistes, cette donne pourrait permettre aux forces de gauche de constituer une alternative à la majorité actuelle. Entretien.
Le Maroc est d’ores et déjà dans une situation pré-électorale. Même si les leaders des partis s’en défendent, tout le monde a les législatives en tête. Le dernier remaniement a été la dernière étape qui a libéré la parole et l’action. Les législatives auront lieu en 2026, probablement dans 18 mois, si le calendrier final maintient le mois de septembre pour la date du scrutin.
Nabil Benabdallah est considéré comme l’un des leaders les plus en vue de l’opposition, voire le plus en vue d’entre eux. Sa longue expérience de la politique, sa capacité de communication, ses prises de position parfois singulières et souvent fermes sur les principes : que l’on soit d’accord ou pas avec lui, tout le monde lui reconnaît plusieurs qualités.
Dans cet entretien avec Médias24, il estime qu’avant de parler d’élections législatives, il faut s’intéresser à la situation actuelle sur les plans économique, social et politique. Il ne ménage pas ses critiques à l’égard du gouvernement et du parti qui le conduit. Il est également l’un des rares dans le champ partisan à défendre ouvertement des réformes et un modèle de société progressistes. C’est le cas pour la réforme de la Moudawana par exemple. Dans le domaine économique, il se revendique du véritable Etat social et considère le Nouveau modèle de développement comme l’une de ses références principales.
À n’en pas douter, il jouera un rôle important pendant la campagne électorale.
Médias24 : 18 mois avant les élections, comment jugez-vous le bilan du gouvernement actuel ?
Nabil Benabdallah : Si j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, je pense qu’au-delà de certaines réalisations, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Nous sommes en effet face à l’échec d’un gouvernement qui avait promis monts et merveilles et qui dans les faits nous rend une pâle copie faite d’augmentation historique du chômage, de hausse des prix, de baisse du niveau de vie des larges couches de la population sans compter de nombreuses carences au niveau de la couverture sociale avec 8,5 millions de personnes qui restent sur le carreau et qui ne sont pas couvertes, avec également le fait que l’essentiel de l’argent qui circule en matière de couverture sociale va aux cliniques privées : 95% dans le cas de la CNSS et 80% dans celui de la CNOPS.
Si on doit y ajouter les conflits d’intérêts, l’absence de vision politique ou de réforme démocratique, le manque de communication, la suffisance de ce gouvernement à l’égard de toute critique notamment contre les partis et les institutions constitutionnelles qui apportent des rectifications à ses chiffres officiels, nous avons affaire à un gouvernement qu’il nous plairait de voir partir au plus vite.
-Un mandat pour rien ?
-Non, car il y a probablement quelques réalisations comme celle du secteur de l’eau dans lequel des moyens énormes ont été mis, mais même là, il faut faire attention aux conflits d’intérêts, comme c’est le cas pour l’usine de dessalement de Casablanca.
L’eau ne doit pas profiter encore une fois majoritairement aux grands exploitants agricoles mais aussi aux petits agriculteurs et son utilisation ne doit pas être réservée pour l’exportation car nous avons vu le résultat de cette politique qui fait que le plan Maroc vert a des carences qui doivent être corrigées.
-Et si on vous demandait votre avis sur l’apport du PAM au gouvernement ?
-S’il est vrai que le PAM assume des responsabilités pour la première fois dans un certain nombre de départements ministériels, je préfère parler du bilan global dont la responsabilité première incombe, à mon sens, au RNI qui dirige ce gouvernement et en particulier à son chef.
Ainsi, il suffit de prendre le pouls de la population, toutes couches sociales confondues, des plus riches aux plus pauvres, pour voir qu’il y a une insatisfaction à l’égard du bilan de ce gouvernement.
-Est-ce que pour vous la campagne électorale a commencé ?
-C’est malheureusement vrai du fait de ce gouvernement qui l’a lancée beaucoup trop tôt.
Il est déplorable de voir qu’au lieu de s’occuper des chantiers qui doivent être mis en œuvre, de rectifier les carences existantes à un certain nombre de niveaux, de régler les problèmes liés à la baisse du taux d’emploi et à l’explosion du chômage, des celles en matière de couverture sociale généralisée, de questions politiques majeures complètement délaissées, de s’occuper de la relance réelle et de l’économie et de l’investissement pour créer des richesses et de l’emploi, au moins sur l’année qui reste jusqu’à décembre prochain, nous voyons que ce gouvernement préfère donner le départ à une course folle à la première place comme si elle était garantie pour l’un des trois partis.
À ce propos, je me dois de dénoncer le retour à certaines pratiques scandaleuses de certains partis de la majorité notamment du RNI consistant à distribuer des paniers pendant le mois de Ramadan.
Il est par conséquent nécessaire que les autorités publiques arrêtent ce type de pratiques qui, sous couvert de charité, visent en réalité à servir un certain nombre d’intérêts politiques et électoralistes.
De plus, avec cette campagne qui a commencé en janvier dernier, soit plus d’un an et demi avant les élections, on constate qu’un certain nombre de frictions au sein de ce gouvernement ont déjà commencé et qui, je le crains, risquent d’augmenter en intensité dans les semaines et mois à venir.
-Est-ce qu’au final sa précocité n’arrange pas le PPS pour avoir le temps de ratisser large ?
-Tout en suivant l’action de ce gouvernement et nous élevant contre ses carences, nous jouons notre rôle d’opposition sans tenir compte des attaques viles et inacceptables qui nous sont régulièrement adressées par certains milieux proches du parti majoritaire, incapable de répondre à nos propositions.
S’il est évident que nous préparons ces élections, nous le faisons sur la base de nos convictions en cherchant de nouvelles personnes qui puissent remplir ce champ électoral car nous jugeons nécessaire de faire participer les jeunes pour que la participation au vote soit la plus large possible.
« Cela fait plus de 80 ans que notre parti existe et il a le souffle long. »
Tel est notre objectif mais lorsqu’on voit l’image politique que donne la majorité actuelle, il nous est réellement difficile de travailler dans ces conditions.
-Vu qu’elle commence plus tôt que prévu, n’y a-t-il pas un risque de vous essouffler finalement ?
-Absolument pas, car cela fait plus de 80 ans que notre parti existe et il a le souffle long.
Nous continuerons donc à nous battre mais, à la question de savoir si nous pourrons résister au cas où l’argent sera à nouveau utilisé de manière massive pendant cette campagne comme lors des élections de 2021, tout dépendra de l’élan qui sera donné pour avoir une large participation au vote.
C’est la raison pour laquelle nous espérons ramener des centaines de milliers de jeunes qui font partie des 18 millions d’abstentionnistes en leur disant qu’il faut voter pour un vrai changement. Cela sera d’ailleurs l’axe principal de notre campagne.
-Malgré les frictions que vous évoquez au sein de la majorité, elle paraît plutôt unie. Ce qui n’est pas le cas de l’opposition…
-En réalité, ce n’est pas la désunion totale au sein de l’opposition, comme ce n’est d’ailleurs pas l’union sacrée ou totale au sein du gouvernement.
Il faudra attendre quelques mois pour voir dans quel état sera la majorité, mais je crois que cela partira dans tous les sens dès que chacun des partis qui la composent souhaitera occuper la première place.
-C’est plutôt légitime dans une campagne électorale…
-Tout à fait, mais nous verrons le moment venu ce que cela donnera en termes d’unité.
Maintenant, force est de constater qu’au niveau de l’opposition, nous continuons d’essayer de réunir les trois autres composantes que sont le MP, l’UFP et le PJD pour maintenir une approche commune.
Je ne cache pas que c’est difficile parce qu’il y a des tentatives d’infiltration au sein de l’opposition avec des promesses qui sont faites par rapport à ce qui va se passer en 2026, et que cela contribue malheureusement à faire perdre la tête à certains.
-Vous voulez dire qu’on essaie de provoquer une hémorragie de transfuges dans vos rangs ?
-Non, mais on essaie de faire en sorte qu’il ne puisse pas y avoir une union de gauche et plus largement une union de toutes les forces démocratiques.
Tout comme dans le passé, des promesses ont été faites pour l’après-2021 qui n’ont d’ailleurs pas été respectées.
Mais ce qui nous importe est de continuer à travailler au Parlement et de prendre des initiatives sur la question des nominations inacceptables au ministère de la Santé qui est dirigé par deux hommes qui viennent du groupe privé appartenant au chef du gouvernement.
Etant en pôle-position sur les questions de la hausse des prix et des conflits d’intérêts, nous essayons de réunir l’opposition pour provoquer une vague au sein du mouvement social de gauche et de faire en sorte de transcender les murs des partis politiques actuels grâce à une mobilisation générale.
Sachant qu’il peut y avoir une alternative nationale, démocratique et progressiste au gouvernement, nous sommes encore une fois droits dans nos bottes et nous avons d’ailleurs préparé un document à cet effet qui fait un diagnostic précis de la situation et propose un certain nombre de pistes d’alternatives.
Malheureusement, il est dans les tiroirs parce qu’il semble que nos partenaires tournent le dos à cette perspective, probablement car ils sont attirée par des promesses que nous ne comprenons pas.
« Certains franges de la gauche ont plus d’intérêts à rester dans des positions nostalgiques qui remontent à quelques dizaines d’années plutôt que de s’inscrire réellement dans l’instant présent et à contribuer à créer la vague souhaitée. »
Cela ne nous arrêtera pas pour autant et nous continuerons à travailler pour assurer un rôle de leadership au sein de la gauche marocaine. Nous entendons d’ailleurs assumer cette position et la développer durant les 18 mois qui nous séparent des prochaines élections électorales de 2026.
-Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à s’unir ou au moins à se coordonner ?
-Dans le dernier communiqué du PPS, nous avons encore une fois lancé un appel pour travailler en commun sur certains sujets, comme par exemple la prévarication, les questions de corruption et de conflits d’intérêts, ainsi que sur certains aspects liés à la loi sur la grève…
Acquis par acquis, brique par brique, nous essayons de dépasser l’inertie actuelle, mais force est de reconnaître que c’est compliqué par le fait que certains franges de la gauche ont plus d’intérêts à rester dans des positions nostalgiques qui remontent à quelques dizaines d’années plutôt que de s’inscrire réellement dans l’instant présent et à contribuer à créer la vague souhaitée.
-Cette difficulté résulte-t-elle du fait que l’USFP est tentée par une nouvelle union avec le RNI en 2026 ?
-Cette éventualité ne nous gêne pas, mais ayant refusé en 2021 de participer à la coalition actuelle, le PPS n’est pas prêt à participer à une expérience similaire à celle que nous sommes en train de vivre.
Nous estimons en effet qu’une vraie alternative se base d’abord sur un programme progressiste et démocratique et notamment sur les mesures préconisées par le nouveau modèle de développement.
Ce dernier pourrait constituer un terrain d’entente consensuelle pour les différentes forces, mais avec une forte présence des partis de gauche qui auraient ainsi un rôle important dans l’exécution.
Nous n’entendons pas bénéficier de quelques strapontins pour crédibiliser un gouvernement d’essence libérale, mêlé à des conflits d’intérêts, qui servirait les intérêts de milieux financiers précis et qui sous couvert d’un slogan d’Etat social développerait une politique de droite inacceptable.
-Vous ne démentez pas que certains au sein de l’USFP ne seraient pas opposés à un rapprochement avec le RNI…
-Je pense avoir suffisamment répondu à cette question et le PPS n’a pas vocation à aggraver les aspects négatifs mais plutôt à faire prévaloir les approches positives et à rester toujours optimiste.
Tout en reconnaissant les difficultés, nous essayons malgré tout de faire entendre raison à tout le monde et de faire en sorte in fine de pouvoir dégager une perspective ambitieuse pour notre pays.
-Justement, comment le PPS se distingue-t-il des trois autres partis d’opposition ?
-Par tout ce que je viens de vous dire à savoir par un discours d’opposition clair et ferme par rapport à ce gouvernement avec des questions qui intéressent toutes les couches sociales.
Tout en mettant le doigt sur les carences et les échecs de ce gouvernement, nous préconisons dans le même temps une véritable alternative progressiste et démocratique sur plusieurs questions.
-Un exemple ?
-Lorsqu’aujourd’hui, ce gouvernement, qui se targue d’avoir une fibre sociale a une commande claire à la suite de l’arbitrage royal sur la question du Code de statut personnel, on constate qu’en réalité il ne fait absolument rien pour promouvoir les positions avancées dans le cadre de cet arbitrage.
Alors qu’il est confronté à plusieurs critiques, il fait preuve d’inertie et ne tient pas du tout compte des remarques souvent pertinentes du mouvement démocratique féminin en semblant d’ailleurs donner raison aux milieux qui ne veulent absolument pas d’une égalité entre l’homme et la femme.
À ce propos, où est ce gouvernement aujourd’hui pour apporter les clarifications nécessaires face à l’intox et à la désinformation qui ont longtemps circulé sur les réseaux juste après l’arbitrage royal ?
En tant que force politique progressiste associée à certaines composantes du mouvement démocratique féminin, nous avons été pratiquement les seuls à avoir mené ce combat.
Cette absence de mobilisation montre la vraie nature de ce gouvernement qui, face aux épreuves, fait preuve d’incapacité et de vide politique sidéral avec une orientation réelle qui s’avère être d’essence droitière, libérale et conservatrice sur un certain nombre de sujets de société majeurs et importants.
-Il craint certainement la frange conservatrice en particulier votre ancien allié, le PJD qui est totalement opposé à une quelconque évolution sur la question des droits des femmes ?
-Alors, dans ce cas pourquoi le PPS ne craint-il pas ce parti, qui a en effet été notre allié conjoncturel, et continue de jouer pleinement son rôle en développant des positions courageuses et audacieuses ?
Tout simplement parce que notre parti est convaincu du bien-fondé de son projet de société qu’il n’hésite pas à défendre malgré la farouche opposition de certains milieux conservateurs.
-Comment comptez-vous affronter la majorité sortante ?
-Avec un programme clair permettant de constituer une alternative basée sur une vision politique qui pourrait reprendre un certain nombre de positions du Nouveau modèle de développement.
Mais aussi grâce à une volonté réelle de relancer notre économie en comptant en particulier sur l’entreprise privée marocaine pour y arriver mais, également de régler les problèmes sociaux majeurs qui laissent actuellement des millions de personnes sur le carreau.
Sur la base de ces alternatives, nous comptons tendre la main à tous ceux qui militent pour les droits des femmes et des hommes, mais aussi d’essayer de convaincre les jeunes de la nécessité de s’inscrire sur les listes et de voter massivement car les centaines de milliers de personnes qui pourraient venir voter au lieu d’aller à la pêche pourraient changer considérablement la donne.
-À quoi s’attend le PPS en matière de découpage, de loi électorale, de quotients, de nombre de sièges par circonscription ?
-Nous souhaitons que le ministère de l’Intérieur ouvre les discussions le plus vite possible dans les 3 prochains mois pour ne pas être dans la précipitation et se retrouver face à la difficulté du moment.
Le moment venu, nous ferons des propositions, mais la priorité est de combattre l’utilisation de l’argent dans le monde électoral et faire en sorte que les personnes soupçonnées de pratiques qui touchent à la prévarication et la corruption, ou qui s’enrichissent sur la base de pratiques illicites, soient éloignées car elles constituent un vrai danger pour notre démocratie et la stabilité du pays.
De plus, nous comptons faire venir dans le champ électoral des compétences politiques qui pourraient provenir des partis, mais également de la société civile.
-De quelle manière comptez-vous pratiquer cette ouverture ?
-Avec un système électoral mixte permettant de faire prévaloir la représentation avec des circonscriptions locales ainsi qu’avec une liste nationale femmes-hommes constituée de cadres ayant une profondeur politique pour réconcilier les Marocains avec la politique et l’action électorale.
Nous voulons développer toutes ces positions pour recréer la confiance et crédibiliser nos candidats.
-En parlant d’utilisation de l’argent à des fins électorales quasi-structurelle dans toutes les campagnes passées, qu’est-ce qui vous laisse penser que cette pratique pourrait disparaître ?
-Parce qu’il suffirait d’une forte volonté politique pour sortir de cette pratique en faisant en sorte qu’au moindre soupçon, il y ait une intervention directe de la justice pour couper ses racines et pour que ceux qui s’y adonnent réfléchissent désormais deux fois avant de continuer de le faire.
Cela permettra d’adhérer aux principes prônés par les valeurs portées par notre Constitution et de coller aux attentes de notre jeunesse, mais surtout de ne pas se retrouver au moment du Mondial de 2030 uniquement avec des stades, une nouvelle ligne de TGV, et un certain nombre d’infrastructures.
« Le scrutin de 2021 s’est caractérisé par une utilisation massive jamais atteinte dans le passé avec des pratiques frauduleuses et une corruption inadmissible d’une partie de l’électorat. »
En s’appropriant les pistes du modèle de développement et en mobilisant la jeunesse, nous pouvons y arriver, ce qui aura pour effet de donner la meilleure image possible aux millions de personnes qui viendront au Maroc, mais surtout aux milliards qui suivront le Maroc à travers leurs écrans.
Pour porter ses couleurs à cette occasion majeure, nous devons faire en sorte qu’il n’y ait plus d’inégalités sociales et d’inclure dans ce développement toutes les autres régions y compris celles de l’Oriental, de Guelmim-Oued Noun, Draâ Tafilalt et des provinces du sud qui ne sont pas directement concernées par le Mondial,.
-Comment analysez-vous les élections de 2021 ?
– Sous couvert de charité, ce scrutin s’est caractérisé par une utilisation massive jamais atteinte dans le passé avec des pratiques frauduleuses et une corruption inadmissible d’une partie de l’électorat.
L’occasion d’attirer l’attention sur le danger de rééditer cette situation durant le prochain scrutin car si c’est le cas, ce n’est pas un fossé que nous risquons d’avoir avec nos citoyens mais un vrai océan.
C’est pour cette raison qu’il faut absolument cesser ces pratiques avec un champ politique basé sur la confrontation des idées, des programmes, des positions, des perspectives, des alternatives, et aussi sur la nécessité impérieuse d’intéresser à ces questions les jeunes et les femmes issus de différents milieux, de manière à créer une véritable réconciliation entre l’action politique et les citoyens.
-Quels seront les thèmes essentiels de la campagne électorale ?
-Il est beaucoup trop tôt pour vous répondre car il nous reste encore un an et demi et que mon discours sera rejeté par les gens si je ne m’occupe de leur parler prématurément de ces élections.
Aujourd’hui, je préfère par conséquent faire des propositions d’ordre politique pour répondre à des questions d’actualité qui les touchent directement comme celles relatives à la cherté galopante de la vie, la baisse générale du niveau de vie, aux carences en matière de couverture sociale… L’objectif étant de faire pression sur ce gouvernement pour qu’il se bouge et sorte de son inertie.
C’est principalement pour cette raison que nous portons haut et fort un certain nombre de revendications et que nous ne parlons pas encore de ce qui va se passer entre 2026 et 2030 car il sera toujours temps de le faire durant l’année prochaine.
À l’occasion de la présentation de notre programme électoral, nous aurons l’occasion d’en reparler car ce qui m’importe aujourd’hui c’est de mobiliser notre peuple et de rectifier l’action du gouvernement.
-Votre objectif en nombre de sièges au Parlement sera donc dévoilé en temps voulu ?
-Ce n’est bien évidemment pas encore le moment car nous sommes seulement au début de l’année 2025 et qu’il y a d’autres priorités aujourd’hui dont il faut parler.
Il n’est pas question de donner l’impression aux Marocains que le PPS ne s’occupe que de strapontins électoraux car cela ne manquera pas de les éloigner davantage de la sphère politique alors que notre souhait est de les réconcilier en jouant pleinement notre rôle de leadership au sein de l’opposition.
En effet, sachant qu’aujourd’hui nous sommes dans le plaidoyer, il sera toujours temps d’exposer nos perspectives électorales au moment opportun.
-Avez-vous une idée des partis avec qui vous comptez construire une majorité ?
-Nous aspirons à développer une réelle perspective progressiste qui pourrait occuper le premier rang, mais nous savons très bien que si le même système électoral devait perdurer et que les mêmes pratiques que j’ai déjà signalées continuent d’exister, il sera très difficile que cela puisse se réaliser.
Malgré cela, nous allons essayer de faire en sorte que notre mouvement puisse être représenté dans le futur gouvernement, mais nous verrons à ce moment-là avec qui nous pouvons constituer des alliances qui pourraient développer des consensus sur des questions essentielles allant dans ce sens.
S’il convient d’actualiser certaines questions soulevées par le Nouveau modèle de développement dont les conclusions commencent à dater, nos convictions progressistes font que nous estimons possible de constituer une plateforme commune en travaillant sur cette base avec les autres forces politiques qui avaient adhéré à ses recommandations.
En effet, les alliances ne se font pas juste sur des considérations de proximité personnelle entre partis mais avant tout se faire sur des questions programmatiques.
-La porte est-elle ouverte à tous ou bien y a-t-il des lignes rouges, expression d’actualité il y a quelques années ?
-Encore une fois, il faudra discuter de programmes et analyser la nature des rapports de force qui se dessineront lors des élections avant de pouvoir se décider mais s’il s’agit de reproduire la même expérience qu’aujourd’hui, on voit mal comment on pourrait faire partie d’une telle équipe.
Notre priorité est de changer la marche des choses et de créer un nouveau souffle démocratique.
-Sans fermer la porte à personne pour l’instant ?
-Vous tenez absolument à faire tourner cette interview autour des questions électorales de 2026, mais je ne veux pas rentrer dans ce jeu car nos concitoyens ont d’autres préoccupations immédiates.
Au risque de me répéter, leur parler uniquement des futures élections les éloignera encore plus de la question politique alors que la vraie interrogation d’actualité concerne l’inaction du gouvernement.
Soyez cependant certains que nous serons au rendez-vous et que l’on ne s’essoufflera pas car notre parti qui a toujours été audacieux et ferme sur ses positions est connu pour sa capacité à créer des consensus positifs et constructifs pour faire avancer notre pays.
Devant votre insistance précoce, je répondrai que nous sommes prêts à composer avec ceux qui sont réellement intéressés par donner une impulsion nouvelle à notre pays, mais ce n’est qu’en 2026 que l’on verra sous quelle forme cela pourra se matérialiser après avoir actualisé les rapports de force.
» Nous avons joué un rôle politique majeur qui dépasse de loin notre nombre de sièges »
-Ayant fait partie de plusieurs coalitions gouvernementales jusqu’en 2017, est-ce qu’au final votre participation aux différents gouvernements a été plus symbolique que véritablement influente ?
-Ni symbolique ni complètement influente parce que le PPS a toujours marqué de son empreinte ses différentes participations aux gouvernements passés.
Notre présence n’était pas seulement liée à des portefeuilles de figuration car nous délibérions dans le cadre de ces gouvernements et avions notre mot à dire sur les questions démocratiques comme celles relatives au respect des libertés et à l’élargissement des espaces démocratiques au Maroc. Si certains ne s’en rendent pas suffisamment compte, aujourd’hui notre absence du gouvernement a certainement été à l’origine d’un certain nombre de recul sur le champ démocratique et des libertés.
Nul besoin d’occuper le poste de ministre des Finances pour être vraiment influents car nous avons toujours défendu les intérêts des couches les plus défavorisées notamment pour une école publique et un système de santé de qualité ainsi que de tous les services publics de manière générale.
Sachant que toutes les questions d’actualité ont été mises en avant par notre parti dans les années 1990 comme l’aide directe ou le revenu minimum de dignité que le PPS a été le premier à proposer, nous avons joué un rôle politique majeur qui dépasse de loin le nombre de sièges que nous avions.
-N’y a-t-il pas eu certains compromis que vous avez pu faire et que vous regretteriez aujourd’hui ?
-Je vois très bien où vous voulez en venir, mais nous n’avons jamais eu de compromis liberticide.
-Aucun au détriment de vos principes ?
-Absolument pas et encore moins qui soient contraires aux intérêts économiques de notre pays ou qui vont à l’encontre de la justice sociale ou spatiale à l’égard des couches les plus défavorisées.
-Même durant votre expérience avec le PJD ?
-Loin de là car nous avons toujours veillé à défendre notre projet démocratique et progressiste.
Malgré toutes les attaques et les critiques contre notre parti, personne ne pourra nous dire que nous nous sommes fourvoyés dans une quelconque décision allant à l’encontre des intérêts de notre pays.
« Nous avons décidé de jouer notre rôle de leader de l’opposition »
-Ayant passé près de 20 ans au gouvernement, votre base électorale ne s’est-elle pas émoussée ?
-C’est certain mais, entre temps, nous sommes rentrés dans l’opposition depuis plus de 7 ans.
-Est-ce que durant cette période, vous avez eu le temps de manger votre pain noir et de vous refaire une santé pour 2026 ?
-Nous n’avons mangé aucun pain noir pour la bonne raison que nous avons décidé nous-mêmes de sortir du gouvernement et de nous positionner dans l’opposition.
Ayant pris position dès les résultats des élections de 2021 pour ne pas figurer dans le nouveau gouvernement, il n’y avait par conséquent aucun pain noir, bien au contraire.
Nous avons décidé de jouer notre rôle de leader de l’opposition et nous continuerons à le faire mais notre vocation n’est pas de rester dans l’opposition mais de mettre en œuvre notre programme.
Comme tout parti qui se respecte, notre objectif est de retrouver sa capacité d’influence sur les décisions publiques à l’intérieur même d’un gouvernement mais, pour cela, j’espère que notre population se rendra compte de la nécessité d’une présence forte du PPS dans le gouvernement.
-Votre parti est indéniablement le plus actif par rapport aux trois autres partis d’ooposition, mais est-ce que vous croyez à l’éventualité que le PPS puisse diriger un gouvernement ?
-Bien sûr que nous portons cet espoir et en toute humilité, nous nous disons que c’est la meilleure chose qui pourrait arriver à notre pays.
-Dès 2026 ?
-Pourquoi pas sachant qu’il y a 18 millions de personnes sur 27 millions d’électeurs qui ne votent pas.
Pour cela, il suffit d’imaginer que sur ce réservoir de 18 millions, un seul million issu de notre jeunesse, de nos élites et des classes moyennes non corruptibles disent que cela ne peut plus continuer et se mobilisent réellement autour d’une vision nationale, démocratique et progressiste.
Sachant que cela pourrait apporter un changement majeur dans notre pays, le PPS entend être à l’origine de cette vague pour que les gens se rendent enfin compte du rôle que notre parti joue en posant un certain nombre de questions essentielles et en proposant des alternatives fortes.
-En cas de victoire du PPS, quelles seraient vos premières réformes socio-économiques ?
-On en reparlera l’année prochaine.
-La fin de votre mandat coïncide avec l’après scrutin de 2026, avez-vous préparé votre succession ?
-On m’a déjà reproché en 2021 de ne pas avoir préparé la relève, mais j’ai fait ce que j’ai pu et il est temps d’avoir une direction plus jeune au diapason des évolutions démographiques de notre pays.
Nous y travaillons en essayant de faire émerger un certain nombre de dirigeants et de dirigeantes qui seront en mesure d’assumer ma responsabilité actuelle à partir de 2026, ou en tout cas, à partir du moment où nous organiserons notre congrès, qui aura lieu certainement après les élections de 2026.
Tout cela pour dire que je suis confiant et que j’espère que, collectivement, nous arriverons à faire en sorte que la pérennité du PPS puisse se projeter encore plus dans l’avenir après 83 ans d’existence.
-Quel sera votre avenir après le PPS, allez-vous vous retirer de la vie politique ?
-De nature optimiste et comme quelqu’un qui aime son pays, je pense que je peux encore servir à titre purement privé à différents niveaux sur le champ public et que je trouverai toujours des choses à faire car, au PPS, nous avons été éduqués à travailler pour l’intérêt public et non pour servir des intérêts personnels,
D’autres générations continueront à le faire à ma place et partiront à leur tour le moment venu, mais comme c’est la loi de la vie pour tous, ce n’est pas quelque chose qui me perturbe particulièrement.